Voici une nouvelle aventure des « Chevaliers du Printemps« . Légèrement romancée; 100% vraie!
C’était un temps de légende, un temps où la magie côtoyait la réalité et où des choses incroyables se produisaient dans ce département des Ressources Humaines géré de manière inspirante par le Chevalier Bauderic. Il était surnommé affectueusement « le Brave » pour sa capacité en tant que DRH à avoir une vision audacieuse du monde de l’entreprise dans une institution figée, ancestrale et pas réellement intéressée par la nécessité du changement.
Il a su transformer son département où la tête Silo régnait en maître et où ses managers directs responsables de différents services tels que la paie, la formation, le recrutement ou encore les méthodes n’avaient que faire des problématiques de leurs pairs.
En moins de 6 mois, Bauderic avait pu créer une équipe soudée capable d’affronter les challenges organisationnels en impliquant tous les collaborateurs du département dans des réflexions stratégiques et opérationnelles. Il avait su repérer les principes et méthodes qui ont permis à son département de mûrir et de développer les bases d’une véritable intelligence collective. Parmi ces principes, il y en avait un qui l’avait particulièrement séduit en tant que Chevalier amateur de la bonne vieille table ronde: le mode circulaire.
Le concept était aussi rudimentaire qu’efficace. Il consistait à permettre à chacun de s’exprimer à son tour, en faisant tourner la parole autour de la table. Les mots de Bali l’Enchanteur raisonnaient encore dans sa tête :
« Pour permettre à chacun de donner son point de vue et d’avoir une chance d’être écouté, il peut s’avérer utile de contraindre les égos démesurés au silence. Et pour mettre tout le monde sur un pied d’équivalence, mieux vaut faire tourner la parole. »
« C’est assez remarquable la quantité de choses intéressantes que l’on peut entendre quand on commence par se taire, » se remémorait Bauderic souvent suite à sa propre expérience quelques mois plus tôt. Il était alors le premier à monopoliser la parole en réunion.
Bauderic Le Brave n’était pourtant qu’à moitié satisfait, il ne rêvait pas uniquement d’un département RH mature et coopératif. Il ambitionnait de transformer toute l’entreprise encore sclérosée dans des attitudes archaïques de management où la contestation grondante des citoyens prenait de plus en plus d’ampleur.
Pour développer un plus grand impact dans l’entreprise, il avait nécessairement besoin d’avoir le soutien, l’engagement et l’exemple de la plus haute instance du royaume : le comité de direction. Hélas, ce dernier était sous l’influence de la tête malfaisante Dirco. Celle-ci était particulièrement douée pour jouer avec les égos de ces directeurs qui tels des empereurs à la tête de leurs royaumes respectifs se souriaient en apparence mais luttaient en réalité pour développer leur influence, se faire l’allié du grand patron et même prendre sa place. « Un beau panier de crabes, » se disait très souvent Bauderic Le Brave face à cette situation.
Conscient de l’impossibilité de faire évoluer l’entreprise dans son ensemble sans faire gagner en maturité le comité de direction, Bauderic aimait se laisser aller à rêver de réunions plus plaisantes, efficaces et constructives. En fait, des réunions à l’image de ce qu’il vivait avec ses managers aux RH.
Mais la dure réalité finissait toujours par le rattraper. Les réunions du comité de direction était décousues et empreintes de longs laïus tantôt autoglorifiants, tantôt autojustificateurs des directeurs. Sans compter le nombre de sujets controversés qui étaient soit le terrain propice à des disputes interminables où chaque partie tentait de convaincre les autres sans les écouter, soit le terrain à ne jamais aborder et à toujours remettre à plus tard. Une crainte grandissante occupait Bauderic : « Comment ce comité va pouvoir décider sur les grands sujets stratégiques nécessaires à la survie à moyen et long terme de cette institution ? »
Un jour, le Chevalier tenta une expérience pour essayer d’améliorer le fonctionnement des réunions du comité de direction.
Il voulut leur amener ce fameux concept qui l’avait tant séduit et qui avait à lui seul apporté beaucoup à son équipe : le fameux « mode circulaire ».
Bauderic commença au début d’un comité de direction par proposer de présenter le concept poussé par l’espoir que cela pourrait les intéresser. Reçu avec scepticisme, il eut néanmoins droit à 10 royales minutes pour s’expliquer. Après avoir présenté les résultats obtenus dans son département pour tenter de susciter l’intérêt de ces collègues, il aborda le concept du mode circulaire en expliquant les principes de fonctionnement et les bénéfices concrets tout en laissant sous-entendre que le comité aurait tout à gagner à s’y essayer.
Tout du long de sa présentation, il regardait avec attention les réactions de ses collègues et crut y déceler à quelques occasions une lueur d’intérêt et d’ouverture. Sans trop croire au miracle, il se sentait néanmoins de plus en plus en confiance et légitime pour introduire ce mode de fonctionnement dans le comité de direction et l’élever à un niveau supérieur.
Arrivé à la fin de sa présentation, il utilisa un peu naïvement une réflexion de Bali dont l’usage était uniquement réservé aux esprits suffisamment ouverts. La phrase humoristique qui apparut se révéla être le clou de son cercueil : « Avec le mode circulaire, on tourne en rond pour aller droit au but. » En effet, le mode circulaire est tellement efficace dans certains contextes qu’il permet à une équipe d’atteindre son but très rapidement en réunion en évitant les tours et détours.
A la grande surprise de Bauderic, les autres directeurs bloquèrent sur la phrase et utilisèrent ce faux prétexte pour décrédibiliser l’approche et les résultats obtenus et désamorcer ainsi immédiatement la tentative du Brave. Le Chevalier dut alors encaisser le souffle brûlant du dragon crachant des:
- « Comment voulez-vous aller droit au but en tournant en rond ? »
- « C’est ce genre de conneries que vous avez servi à vos équipes ? »
- « Quand je pense que vous avez payé des consultants pour sortir des trucs pareils, je me demande s’il est raisonnable de vous laisser une telle autonomie dans la gestion de votre département ! »
- « Peut-être que ça marche pour vos équipes immatures, mais nous « comité de direction » nous n’en n’avons pas besoin ! »
- « Mais autour de quoi voulez-vous tourner exactement ? »
- Et encore mieux : « Je ne crois pas qu’il y ait des problématiques d’égo ici ! Allons ! Nous ne sommes pas dans un jardin d’enfants. »
Si seulement cela avait été un jardin d’enfants, Bauderic aurait pu pardonner l’irresponsabilité et espérer un quelconque apprentissage ou espoir de développement ! Malheureusement Ego, la tête en chef du dragon Sixo était parfaitement de mèche avec Dirco. L’évolution de ce comité semblait désormais très improbable aux yeux de Bauderic.
S’ensuivirent un ensemble d’autres péripéties dans la même veine. Le Chevalier Bauderic finit par quitter ce royaume pour se lancer dans de nouvelles quêtes dans l’espoir de faire évoluer d’autres entreprises qui pourraient manifester une ouverture plus importante au sein de leur comité de direction.
Mais attention, Dirco a développé une influence redoutable dans de nombreux comités de direction. Le Chevalier Bauderic le Brave en est bien conscient. Toujours aussi déterminé, il s’y prendra un peu différemment la prochaine fois….
« Ne confonds pas ton propre enthousiasme avec les prérequis nécessaires chez l’autre pour entendre ce genre de discours. » – Bali l’Enchanteur
Lionel Barets
Publié le 10/12/2015