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Ceci est le premier récit de notre saga « Les Chevaliers du Printemps. » Légèrement romancé ; 100% vrai!

Sous un soleil timide probablement apeuré par la stature imposante de nuages menaçants, l’apprenti Chevalier Ouille de son prénom Henri avance d’un pas déterminé vers un bâtiment accueillant, à l’image de ses sympathiques locataires temporaires.

Ouille est représentant syndical. En cette froide matinée d’automne, il vient animer une assemblée de réflexion rassemblant ses confrères de différentes contrées pour établir une liste commune de revendications pour la nouvelle année. Ouille a reçu très récemment les précieux enseignements de Bali l’Enchanteur. Fort de ces connaissances nouvelles, il continue d’avancer d’un pas confiant et plein d’espoir vers ses camarades qu’il espère être ouverts à sa proposition audacieuse. Néanmoins, il porte en lui une crainte légitime.

Chaque année cette réunion se déroule de manière identique. Tout le monde vient avec les meilleures volontés pour tenter de produire quelque chose qui rallierait l’ensemble des participants. Malheureusement, trois ou quatre égos particulièrement démesurés sur environ 30 participants monopolisent toute l’attention. Ils cannibalisent à eux seuls toute l’énergie de la rencontre. En s’affrontant et en tentant de se convaincre mutuellement, ils prennent en otage toute l’assemblée.

Le résultat est toujours le même : une grande lassitude s’empare du groupe, des conflits éclatent entre certains participants et une liste de revendications décousue est produite à la fin de la journée. Liste que personne n’accepte réellement. Chacun repart alors dans sa contrée avec en tête ses propres idées. Cela maintient finalement une inconsistance forte au sein du syndicat ce qui ébranle sa crédibilité et déforce son action dans l’entreprise.

Aujourd’hui, cela peut être différent car c’est au tour de l’apprenti Chevalier Henri Ouille d’animer cette rencontre. Une fois tout le monde installé, Ouille s’avance dans sa belle armure luisante un micro à la main. Après avoir salué chaleureusement la foule, il annonce les objectifs de la journée. Mais avant de commencer le travail en tant que tel, il aborde une manière de travailler un peu différente avec laquelle les « camarades » ne sont pas vraiment familiers. Il explique les bienfaits d’une approche participative permettant à chacun de s’exprimer dans le calme et la sérénité. L’objectif de cette approche est d’être à l’écoute de chacun et de collecter toutes les frustrations et les idées nécessaires à la construction d’une proposition solide qui permettra de réaliser des revendications.

A peine a-t-il fini de présenter son approche qu’un participant possédé par la tête Ego du Dragon Sixo s’esclaffe. De manière virulente et particulièrement empreinte de colère, il conteste la méthode, remet en question la légitimité de l’animateur et impose telle une vérité unique son point de vue. Il est immédiatement suivi par les deux autres égos dominants dont l’arrogance intellectuelle n’a d’égale que leur profonde peur de perdre le pouvoir de l’influence.

La peur mène à la colère, la colère mène à la haine et la haine mène à la souffrance. « Nous voilà bien embarqués sur le chemin obscur », se dit notre apprenti Ouille en constatant le silence et la passivité des autres participants face à cette prise en otage orchestrée inconsciemment par encore et toujours les mêmes personnes.

Un mélange de colère et de sérénité emplissent en même temps notre héros qui s’était préparé à cette éventualité plus que probable. Lui vient alors en tête un enseignement de Bali l’Enchanteur : « Pour donner le pouvoir aux citoyens, il est nécessaire de commencer par le reprendre à ceux qui l’ont capturé. »

L’apprenti Chevalier Ouille, armé de son courage et de sa conviction, eut alors tout le loisir d’appliquer le principe de Bali d’une manière très personnelle. Il n’avait pas le choix. Il devait absolument reprendre le pouvoir à ces trois têtes mal pensantes possédées par l’Ego de Sixo et le redonner au groupe.

Son action a été une intervention verbale particulièrement appuyée qui ne laissait absolument aucun doute sur sa détermination et son autorité naturelle : « Adelphe, Pierrick, Brieuc, vous vous êtes maintenant exprimés sur un point pour lequel je ne vous ai pas demandé votre avis. Vous allez maintenant faire plaisir à tout le monde et fermer vos gueules quand c’est pour critiquer tout ce qui ne va pas dans votre sens ! Si on est ici à 30 c’est pour entendre tout le monde, sinon ce n’est pas la peine de demander à chacun de venir. Alors soit vous participez comme les autres et pas à la place des autres, soit vous allez faire votre réunion à part et vous revenez avec des conclusions que nous regarderons ensemble. J’impose le fait d’écouter tout le monde et de construire ensemble cette liste. Est-ce que je suis bien clair ?! »

Six heures plus tard, le groupe a pu constituer pour la première fois de son existence une liste commune de revendications supportée par tout le monde incluant nos trois amis contestataires. Il s’agit là d’un momentum dans leur histoire !

Vous croyez que c’est l’apothéose de l’histoire ? Détrompez-vous !

Un an plus tard, il a été demandé à notre héros d’animer une nouvelle fois la journée. Investissant de nouveau l’armure luisante du Chevalier, il a poussé encore plus loin son action de faire évoluer son groupe. Et quel thème a-t-il osé amener cette année-là ?

« Les organisations évoluent, elles ont de nouveaux enjeux et de nouvelles contraintes, elles se remettent en question et s’adaptent au monde d’aujourd’hui. Par contre, nous, syndicats, sommes organisés comme à nos origines, nous revendiquons les mêmes choses et nous activons les mêmes leviers. Sommes-nous adaptés aux organisations actuelles ? Avons-nous un quelconque intérêt pour les travailleurs d’aujourd’hui et de demain ? Devons-nous évoluer ? »

L’apprenti Chevalier est ainsi devenu maître Chevalier par sa clairvoyance, son ambition de faire évoluer ce que la plupart estime immuable, son courage et sa capacité à gérer, à sa manière, les égos dominants pour rendre le pouvoir aux citoyens.

Lionel Barets

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